Crisálida

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L'artiste franco-andalouse Marie-Isabelle Poirier Troyano (Antequera, 1970), résidente à Genalguacil, expose pour la première fois et individuellement toute la puissance esthétique de son travail dans une exposition qui réunit certaines de ses premières œuvres avec sa production la plus récente . Le textile, entendu dans sa plus grande diversité formelle, est le médium par lequel la créatrice expérimente en toute liberté et suit son instinct partout où il la guide. C'est ce qui s'est passé avec le shibori, un ancien procédé japonais qu'elle a appris en autodidacte et qui consiste à réserver certaines zones du tissu pour éviter qu'il ne soit teint. Il en résulte des compositions bleues ou noires dont le design varie selon le type de réserve appliquée (cousue, pliée, torsadée, nouée). Bien qu'il y ait un certain contrôle, l'œuvre finale est toujours soumise à un degré d'imprévisibilité très apprécié par l'artiste, dont le principal moteur créatif est la surprise que lui procurent son intuition et les lois de la nature.

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Au fil des ans, Poirier Troyano a acquis une maîtrise des variantes du shibori, développant même la sienne appelée "reverse" où, au lieu d'ajouter de la couleur, elle l'enlève à l'aide d'eau de Javel. Au niveau esthétique et conceptuel, elle remplace l'idée de tache par celle de trace : celle qui demeure malgré l'érosion et nous renvoie au passé. Ce sont des toiles pleines de subtilité et de savoir-faire, mais aussi d'une noirceur latente liée à la douleur de la perte dans la biographie de l'auteur. Le temps passe et les changements de sa trajectoire de vie sont transférés au domaine artistique, se matérialisant dans un travail ouvert et personnel qui combine diverses techniques et stratégies. Le pistolet électrique (tufting gun), le punch (punch needle), les teintures naturelles, l'aiguille magique ou la broderie manuelle sont quelques-uns des outils utilisés pour configurer des pièces qui gagnent en fraîcheur, maturité et volume. Les morceaux et les fils sortent, générant des formes organiques et glissantes qui semblent s'autoréaliser comme s'il s'agissait d'un mouvement intrinsèque.

Au fond de la salle, l'œuvre la plus ambitieuse est une fresque murale collaborative avec les habitants de Genalguacil, majoritairement des femmes, dans laquelle sont reprises des pratiques de coexistence et d'oralité autour de la couture. Des relations se tissent qui mettent l'accent sur la valeur du processus. En ce sens, le parcours d'exposition des premières œuvres aux dernières sert à souligner l'importance des états processuels ou de transit : quand tout change sans qu'on s'en aperçoive à peine. Ces moments se manifestent à travers des œuvres-liens entre deux étapes, lieux ou manières d'être au monde. On le voit dans le filet bleu semblable à une nymphe sur le point d'éclore, le carnet de voyage avec une aiguille et du fil que l'artiste a fait lors de ses déplacements quotidiens ou les sculptures shibori qui n'ont pas été et ne seront pas développées. Ce sont des chrysalides éternelles, la beauté de la transformation elle-même.

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Nerea Ubieto

Dans l'exposition du Musée Genalguacil